Pays LOCK Diaspora assiégée Famille disloquée par Jean Willer Marius

Pays lock. Diaspora assiégée. Famille disloquée par Jean Willer Marius

Alors que l’homme politique haïtien s’obstine à faire triompher son interprétation intéressée de cette constitution dépassée qui n’a pas su protéger le peuple et qui maintenant l’empêche de se libérer. On mettra plus de temps qu’il ne faut pour cerner les conséquences subséquentes à cette crise sur la vie sociale en Haïti. L’économie, on le sait, s’est effondrée depuis belle lurette et avec elle les projets, l’espoir et l’avenir. Impossible désormais de rêver, et inexorablement le temps fuit; nous emportant.

La seule chance de survie de l’haïtien «version 2019» qui perd désormais sa place dans le dernier échelon de Maslow se situe au niveau de sa diaspora. Le terme «envoie-moi» devient récurrent dans les messages témoignant de la situation infernale qui sévit en Haïti, où même les plus fiers se prêtent à cette pratique. Si jadis elle était le plus souvent sollicitée pour l’accomplissement de projets d’envergure, tels le paiement de la scolarité, l’achat d’un terrain ou l’érection d’un bâtiment; aujourd’hui il s’agit de survie. Les montants réclamés sont sans cesse revus à la baisse attendu qu’un dollar peut faire une énorme différence entre le fait de tromper momentanément sa faim et de passer la journée à jeuner. Se pliant sous l’énorme poids de cette misère insupportable, la diaspora souvent se démarque, distille de faux espoirs ou renvoie certaines requêtes, par la foi, à la semaine prochaine. Mais comment celui qui a faim pourra-t-il attendre jusqu’à la semaine prochaine ? Que dire des malades dans les hôpitaux, des femmes enceintes, des accidentés, des blessés par balles, de la population carcérale qui dépendent complètement de l’approvisionnement extérieur quand tout est bloqué ?

S’agenouillant aussitôt qu’ils ont peur, une bonne partie des Haïtiens se rendent à l’église pour prier le Seigneur d’intervenir dans la situation, d’ouvrir les écluses du ciel pour que la bénédiction coule ne serait-ce que goutte à goutte. Là non plus, il n’est pas au bout de sa peine, car comme ce rançonneur aux abords des bureaux de transfert, le pasteur-dieu compte sur les sous de l’assemblée pour continuer à mener ce train de vie pour lequel il ne travaille pas. S’improvisant médecin de l’âme, oubliant trop souvent que l’âme chevauche le corps, il délivre un sermon sur la fidélité qui sera récompensée quand on apporte son dû à Dieu. Mais en réalité de quel dieu parle-t-on ? Car le Dieu des chrétiens penserait sûrement, en ces temps de disette, à visiter la veuve et l’orphelin, à nourrir les nécessiteux en déliant les cordons de la bourse comme la plus éloquente des prédications.

Réclamant quand même un minimum de bien-être, la vertu s’incline devant la nécessité. Le respect qui découlait d’abord de la capacité d’approvisionnement se perd dans la famille. Enfants et épouses ne comprennent plus pourquoi ils doivent continuer à suivre les principes moraux établis par le père, l’homme d’Église et l’enseignant quand sous leurs yeux, ceux qui s’en écartent coulent quand même des jours heureux. Eh oui, il y en a qui s’enrichit comme «agent de pérennisation de la crise». Du coup, la très grande majorité des jeunes des deux sexes qui ne peuvent plus compter sur la solidarité des voisins qui désormais doivent se cacher pour manger, se prostituent au vu et au su de tout le monde, les enfants changent de quartiers pour pouvoir participer au pillage et au rançonnage des passants et les parents attendent la tombée de la nuit pour se livrer, imperceptiblement à des vols répétitifs.

Certaines dames se résolvent finalement à essayer le plus vieux métier du monde. Vaincues par l’âge et détrônées par de très jeunes pousses, la concurrence est de taille; elles n’ont d’autre choix que de liquider la chose. Certains hommes pour qui ces «Pays-Bas» ne seraient découverts que dans leurs plus impossibles rêves s’en donnent à cœur joie et prennent un malin plaisir à réduire l’offre au minimum humiliant de 25 gourdes. La voix de la pudeur s’est tue face au spectacle hideux des enfants faméliques, aux visages usés n’ayant même plus la force de pleurer qui attendent le retour de maman. Et justement sa qualité de mère prime sur l’épouse qui sait qu’elle n’a nullement le droit de revenir les mains vides, quitte à se souiller et se réfugier pour longtemps dans la honte et l’indignité. Le mari a aussi compris qu’il vaut mieux la fermer, car devant cet état de fait seul l’ignorance feinte peut sauver.

Voilà ce que vous avez fait à mon pays, à mes concitoyens-nes. Tous autant que vous êtes qui refusent  d’entendre la voie de la raison et de la sagesse et qui attisent la haine de plus d’un.

Mettez un terme à votre foutue crise et redonnez-nous notre pays. Espèces de vandales.


collaboration spéciale JWM-Magazine