POUR UN DÉPART ORDONNÉ par Himmler Rébu

POUR UN DÉPART ORDONNÉ par Himmler Rébu

  • Le pouvoir est un produit. Comme tel, il porte une date d’expiration. Il arrive souvent qu’en cours d’utilisation il se révèle être toxique. On doit, alors, s’en débarrasser.

C‘est le cas pour le Président Jovenel Moïse. Son départ  est inéluctable. Ce ne sont pas les bonnes raisons de l’opposition politique qui rendent cette sortie du pouvoir irréversible; ce sont plutôt les propres erreurs du Président Moïse qui scellent dans le béton cette condamnation. C’est qu’il a grillé allègrement tous les feux rouges sur la piste de la moralité  et de la confiance. Ah, voilà ! Malgré les vices de tous bords qui semblent déterminer la vie politique en Haïti, aujourd’hui, il reste que la vertu, antidote du vice, a la vie dure. Malgré  toute la puissance du vice, ce n’est qu’à l’aune  des valeurs de la vertu que le verdict sera prononcé. Et, dans le cas du Président Jovenel Moïse les dés sont, depuis longtemps, jetés. Toute la question est, de prime à bord, dans le comment. Ah oui ! Car, il  y a des risques. De toute nature. C’est pourquoi on ne peut réaliser ce départ n’importe comment.

Deux thèses, justes et importantes, ont surgi pendant la tragédie que nous imposent JoMo et sa clique…, du 6 juillet 2018 à nos jours. Deux :

  1. a) le départ ordonné 
  2. b) le changement du système

*Le départ ordonné* 

Professeur de tactique et d’opérations spéciales, j’ai lancé ce concept dans la politique haïtienne le 29 novembre 2003 après la fameuse marche sur Port-au-Prince et le drôle de raté du Président Jean Bertrand Aristide. J’ai eu à dire ceci : « le Président Jean Bertrand Aristide va partir, mais son départ doit être ordonné ». Comme d’habitude je n’ai pas été écouté. Entendu oui, mais écouté : jamais. Pour ce simple concept, j’avais été violemment décrié et même accusé d’être devenu lavalassien. Et, bien entendu, dans la nuit du 29 février 2004 tout le monde a finalement compris. J’avais eu raison, tout seul, trois mois avant !

Un départ ordonné en politique est comparable au repli au cours d’une bataille. C’est une opération d’une extrême complexité, plus difficile que la coordination et l’exécution d’une attaque. Cadet à l’Académie militaire d’Haïti, féru de tactique, j’ai fait la question à mon professeur d’alors le Major Wilthan Lhérisson sur le pourquoi du non-enseignement de ce mode opératoire. J’ai encore en mémoire son sourire narquois pour réponse. Bien des années plus tard, professeur et directeur des études au Camp d’application, sous son commandement, je lui proposai d’introduire la technique du « repli » au curriculum, il refusa et me dit ceci « quand vous engagez une bataille, il faut la gagner. Si dans votre conscience le repli est une possibilité, vous cassez de moitié votre devoir de vaincre« . C’est qu’entre temps j’avais initié des recherches sur la question. C’était le début de mes études sur la guerre comparée, faites en autodidacte. Mes intéressantes trouvailles furent, de temps à autre, partagées avec mon ancien camarade, le défunt colonel Georges Valcin. Après sa mort, j’ai continué seul. Des guerres puniques jusqu’aux incursions américaines au Moyen-Orient. Et, je n’ai pas arrêté. La guerre  asymétrique s’impose, aujourd’hui, à tous les États-majors, même si la Russie de Vladimir Poutine nous rappelle de temps à autre les classiques combinaisons air-terre-mer notamment en Ukraine et sur le terrible théâtre d’opérations de la Syrie déchirée. Trop riche pour être  tranquille. Paradoxalement comme Haïti ! C’est une autre question.

Oui, le départ ordonné. Ce devoir est, aujourd’hui, plus complexe, car les données de 2003 se sont aggravées. Pas besoin d’être grand clerc pour le constater. Les massacres de La Saline, de Tokyo, de Carrefour Feuilles, du Bel-Air, les épisodes des mercenaires, des « évaluateurs de la sécurité présidentielle », le pullulement des gangs armés dont un membre de la CNDDR fait virilement la publicité comme si cela ne devait pas être une donnée d’État, la conscience et la rage de la population bien plus informée, plus engagée, plus déterminée, l’implication de plus en plus évidente des États-Unis d’Amérique dans des situations douteuses ayant rapport avec la prolifération des armes et munitions en Haïti et, il faut le dire des cas pouvant être catalogués dans la ligne des méthodes  du terrorisme international  sont,  aujourd’hui, autant de données qui nous obligent à bien calculer chaque élément de ce grand  devoir que les circonstances nous imposent.

Le Président Jovenel Moïse a le support du gouvernement américain…dans le mal. C’est son seul atout. Un cadeau empoisonné. Le seul et vrai risque courut et, ce n’est pas un secret, c’est que son heure de vérité arrivera. Le système américain ne peut pas végéter éternellement dans le mal. Et, c’est pourquoi l’establishment américain le presse frénétiquement à organiser un dialogue et à avoir un gouvernement « légitime ». Ce qu’il ne pourra JAMAIS réaliser parce que la compréhension de la population a fait son irruption dans le panorama. Mortel. Donc, il doit sortir du pouvoir, mais…de manière ordonnée. Je n’ai aucune certitude sur la capacité des acteurs clés de ce moment de l’histoire à le comprendre et…à le réaliser. C’est ce qui oblige à considérer les conséquences d’un remède pire que le mal.

Quant à ce que je pense du CHANGEMENT DE SYSTÈME. Tout un programme…à venir


collaboration soutenue : colonel Himmler Rébu (Haïti)