HOMMAGE-POSTHUME  À NUMA FRANÇOIS INNOCENT par Fritzberg Daléus

HOMMAGE-POSTHUME À NUMA FRANÇOIS INNOCENT

Un devoir de mémoire – par Fritzberg Daléus

Tombé, le vendredi 1e mai 2020 à l’Angélus sonnant, un Monument ‘’Pye-Mapou’’, à l’Hôpital de la Cité-de- la Santé de Chomedey-Laval, suite à une maladie insidieuse sereinement supportée pendant nombre d’années, l’exigeant à gravir la cime par le dos !

Il laisse plongés dans le deuil : son fils unique, Numa Innocent Jr, sa sœur Énomine, ses frères : Carlo, Brunel et Frantz Innocent et famille, ses cousins, cousines et ami-e-s…

Comme il eut  dit à plusieurs reprises et à bon nombre d’entre nous :’’Une fois le geste posé, il faut penser à me dédier : ‘’El manicero’’  d’Africando!  (La marchande de pistaches). Mais voir la garnison du Bel-Air, se défiler sur la pointe des pieds et le peloton de la communauté… défiler le long de l’allée,  l’un à la suite de l’autre, pour un aller simple, sans pouvoir y revenir à la case de départ, est la résultante  d’un cruel constat et/ou d’une brute parade, à laquelle il fallait s’y attendre.

Déjà, sur fond d’un Innocent Numa avec sa voix grave et caverneuse, maintenant modulée; ne songeait-il pas nous déclamer un texte prisé, en guise de nous faire ses ultimes adieux, vu qu’il était pendant très longtemps, si recueilli, en amont de son envol pour l’éternité?

Bien à vous cette ‘’Éternité’’ du: Dieu le Père, le Fils, le Saint-Esprit et de tous les Saints du très Haut-Lieu, nous vous implorons tous, pour que vous puissiez accueillir notre, Innocent Numa, sans qu’il ne soit en corps sain, dans le sein de son Créateur; lui qui n’avait pas eu le temps de trinquer avec nous un dernier verre, avant d’effeuiller à fond de page, ses quelques vers libres et alexandrins lors de notre dernière soirée du samedi 26 octobre 2019, chez notre amie commune à nous tous, ‘’madame, GT’’, pour qui, la sérénade avait emprunté la voie de la résonance épurée, lumière tamisée, bruitage emmuré par la coterie de retrouvailles d’une trentaines d’âmes, bien comptées… et ce fut la dernière assemblée autour de Numa, hélas !

Aujourd’hui, nos pleurs ne cessent d’altérer les rives des frimousses affectées par son départ et irriguent l’horizon sombre qui fixe le ciel, comme si, le Bon-Dieu avait péché de nous l’avoir enlevé.

Avant de lire: ci-git, une marre de peines… dès la tombée de cette nouvelle! Et comme une trainée de poudre, elle a fait le tour du monde en moins d’une heure et quelque secondes. Numa faisait partie d’une génération qui, actuellement, est rendue sur la ligne de front. Arrivés à cet âge vénérable, rien ne devrait nous empêcher de croire et/ou de constater que la vie et la mort font toujours indéfectiblement la paire.

La mort, ne serait-elle pas vraiment, à certains égards, une délivrance?

Délivrance, surtout lorsque la souffrance de quelqu’un-e malade, tend à devenir trop aigue ou trop intense pour sa capacité d’endurance, et que par conséquent, seule la mort serait pour le sujet, un exutoire, une alternative ambigüe ou difficile, s’il ne reste que ce choix douloureux, pour qu’on puisse parvenir à mettre fin à sa souffrance.

Mais, sans trop vouloir philosopher là-dessus pour l’instant , et afin d’apaiser quelque peu cette peine indicible qui nous accable tous, et nous force aujourd’hui à nous réunir autour de son corps inerte, serait l’occasion pour chacun d’entre nous d’effectuer un voyage intérieur. Et je vous dirais que, s’interroger sur cette question d’ordre existentiel de l’être humain que nous sommes, ne puis nous faire aucun mal, d’où la nécessité de nous interroger concernant cette autre facette de la vie; de savoir, que nous ferions mieux d’appréhender cette loi naturelle et immuable, qu’est la mort, au lieu de croire qu’elle ne sert qu’à nous faire de la peine et qu’après… tout est fini.

Qu’en contrepartie,  le fait de convenir que la rançon de la longévité, c’est de n’avoir pas cessé de voir partir avant nous : des êtres qui nous sont chers, nos pairs, nos congénères et tout un pan de nos connaissances, et que ces départs nous affectent et nous  effraient; c’est donc  à partir de ce moment précis qu’il nous est venu l’idée contradictoire, concernant les conséquences de notre longévité par rapport à ce que nous vivons maintenant. Vieillesse oblige !

Mais face à cette réalité ou cette loi universelle voulant qu’on doit tous mourir un jour, pendant qu’on se leurre, qu’on se vente d’être X ou Y, en  abaissant ou en dévaluant autrui et en méprisant les autres qui font de tout pour survivre et n’attendent quasiment la manne tombée du Ciel, pour continuer, bon an-mal an, à vivre. Il est à se demander, dès lors : qui faut-il rendre coupable de cette inégalité à l’échelle planétaire; quand ces derniers  sont plus souvent qu’autrement, à la merci d’autrui et du vent. En dépit du fait que nous sommes tous égaux… devant la mort.

 Et ce n’est pas par hasard que je nous pose aujourd’hui cette question qui doit nous interpeller tous et toutes. Surtout, quand Napoléon Bonaparte du haut de son trône, nous dit: ‘’Nous sommes  tous égaux, que dans la tombe!’’. De quelle égalité, voulait-il en faire mention, lors qu’il précise ce lieu cynique ?

N’est-ce pas qu’il a voulu à tout prix, légitimer outrageusement l’inégalité entre les humains ?

Une réplique  que je dirais acerbe, vu que : l’humilité, l’empathie, la modestie, la charité, l’amour, le sens de la parité et le pardon, somme toute des vertus parmi les plus précieuses qui soient et font de nous, des être humains distincts et bénis.

Bénit soit son nom, même sans un dernier salut amical, familial, fraternel et communautaire de sa part à nous tous, vu qu’Il fut: le frère, le cousin et l’ami sympathique de tout le monde; nous nous en voudrions de ne pas lui dire: qu’il va sincèrement nous manquer. Nous manquer, bien-Sûr de penser, lorsqu’arrivera le temps de sortir de notre confinement forcé, et lors de nos prochains fous rassemblements …qu’il serait le premier à se pointer.

Personnellement, je m’en voudrais de ne pouvoir lui dire à nouveau, cette chanson ’’ Map trennen ou mizè’’,  popularisée par Ansy Dérose, une pièce anthologique  qu’il aimait tant et dont les mots traduisent et reflètent, aujourd’hui encore, ses maux; lorsque je l’avais entonnée pour la première fois en sa présence, entourée d’une kyrielle d’amis-artistes, pour l’anniversaire de notre ami commun, Charles Jean, il y a de cela… quarante-cinq ans!

Mais avant qu’il tonne et qu’il pleuve sur le tablier de notre deuil et en souvenir de ce grand Homme, significatif des Beaux-arts, des Belles-Lettres et des  œuvres magistrales, je vous prie de me laisser humblement  le soin de m’incliner, avant de vous narrer cette succincte anecdote, en guise de saluer son départ…

Par

  • la force d’un vil
  • Tourbillon ivre, qui
  • Livre l’air, vire le vent quand
  • L’obsédant si tranquille observe
  • Mèche après mèche dans la cours
  • Sidérée et illuminée sur tout le littoral
  • Lit-thé-rature, indexée à l’infinie de plusieurs
  • Aventures en aventures et de lettres nocturnes
  • Si trempe mouillée d’encre échappée de ses yeux
  • Nacrés, soient, le sujet de toute franche camaraderie
  • De cet ardu, fascinant à coudée verticale, ses amours
  • En plein jour, avant tout tintamarre qui sait comment accabler
  • Et cibler le contenu éructé la veille au lit de cet érudit épicurien
  • Suscitant l’assistance du personnel; l’inquiétude de ses pairs-proches
  • Tressaille, pendant qu’en l’air, le pratiquant de l’extrême-onction, se taisait
  • En vain
  • Puis, accablés, la populace lasse, les amis intimes et les autres…phares endeuillés
  • Dont les gens épars, ceux mêmes, au cœur d’acier qui en ont entendu sonner, depuis, ce glas
  • Se recueillaient le soir, où il commençait à pleuvoir des cendres et des centaines de témoignages en provenance de partout.
  • Puisse ta lumière briller sous la tonnelle du Baobab, la Haut, et que ton génie-voyeur amplifie dans la pure sérénité ta clairvoyance sur nos actions ci-bas!

À la fois : éclectique-hédoniste-animateur, ne s’altérant plus de jongleries, mais bien d’une bouffée de repos, d’un véritable repos…un copieux repos d’éternité… duquel, le Samba que tu fus, n’entonnera plus les classiques chants sacrés en guise d’offrandes vodouesques, comme : Shango!…Agetawoyo!…Ochan-Nago!…Simbi-Nan-dlo!…et Feray Ô! Et tant d’autres…

Ce ne sera plus pour toi, le temps de compter des blagues sucrées-salées et bien assaisonnées d’extraits anecdotiques, provoquant des éclats de rire, dont les saveurs teintées de pointes satiriques, quand ton sens de l’autodérision suscitait de l’intérêt chez tes fans.

Et quand toi, Numa, sur le quai du temps mort, la vie trotte et trébuche, mais se balance en haute altitude, sans que tu t’en aperçoives maintenant que les vagues agitées, déchainées même, qui, ratissent les rives et recoins, pour enfin, s’effondrer vers le lointain…ou le néant, et ne plus revenir y accoster ton canoë, comme à l’accoutumée, là où ta mémoire passera, certes,  à la postérité… je me prosterne!

Me prosterner en vous présentant humblement et bien tristement…

Nos condoléances aux familles : Innocent, Toussaint, Blain, Barra, Prudent, Daléus, Larosillière, Neff et Baril, sans oublier ses confrères, amis et sympathisants, tout en me faisant le devoir de  citer quelques amis pour qui, le Samba Numa, représentait une bibliothèque ambulatoire et un artiste phare, multidisciplinaire. Il s’agit de : Serge Norrmil, Jamil Abraham, Ernst Dévalus, Félix Saint-Élien, Yardly Kavanagh, Danielle Perdriel-Roche, Roosevelt Riboul, William Succès, Jean-Claude Aurélien, Ernest Léon, Prosper Simon, Frantz Jeudi, Arthur Jean-François, Love Calonge, Apollo Jacob, Frantz Mars, Jean-Richard Civil, Johanne et Guy-Marie Sully,  pour ne citer que ces gens là à qui, je formule mes remerciements de m’avoir appelé dans l’esprit de me réconforter.

Quant à Serge Bouchereau, il a su déjà dire à Numa, qu’il aurait préféré mourir avant lui, pour qu’il puisse de sa voix grave, prononcer  son oraison funèbre. Hélas! Il nous a précédé et…

  • Paix à son âme!
  • Montréal, le 14 mai 2020